Entretien avec le président du gouvernement
espagnol, José Luis Rodríguez
Zapatero
En juin 2005, le Président du Gouvernement espagnol,
José Luis Rodríguez Zapatero accorda un entretien au
magazine «afkar/ideas», publication espagnole distribuée
en Europe et dans la région du Magreb, dans laquelle il analysa en
profondeur la situation actuelle de la Mediterranée et le Procesus de
Barcelone. Voisi l,interview:
afkar/idees: Votre arrivée au gouvernement s’est
caractérisée par de nouvelles orientations qui placent la région
méditerranéenne dans l’un des axes prioritaires de la politique extérieure
espagnole. Considérez-vous que le contexte actuel permet de relancer
l’initiative espagnole et européenne dans ce domaine?
José Luis Rodriguez Zapatero: Bien que l’intérêt
préférentiel de l’Espagne pour la région méditerranéenne puise ses racines
dans une histoire millénaire, le délicat contexte politique, économique,
social et culturel existant aujourd’hui dans cette zone, et qui concerne
directement nos intérêts et notre avenir, rend nécessaire pour l’Espagne
la mise en œuvre d’une politique extérieure dynamique et efficace dans la
Méditerranée, aussi bien sous une approche bilatérale que
multilatérale.
a/i: Dans le cadre de cette année de la Méditerranée
2005, Barcelone accueillera, le 28 novembre, à l’initiative du
gouvernement espagnol, une conférence euroméditerranéenne extraordinaire
pour commémorer ce dixième anniversaire. Quel bilan faites-vous du
Processus de Barcelone? Quelles sont les propositions de l’Espagne pour le
relancer?
j.l.r.z.: Le Processus de Barcelone a été lancé il y a
10 ans, dans des circonstances fort différentes d’aujourd’hui. En qualité
de président en exercice de l’UE, mais aussi grâce à des années d’effort
en faveur de l’idée méditerranéenne, l’Espagne a joué un rôle essentiel
dans la définition de ce cadre multilatéral, qui cherche une réponse
cohérente et globale aux enjeux de la région. La Conférence de 1995 a
permis de définir des principes et des objectifs communs (la Déclaration
de Barcelone) et un Plan d’Action, qui suit correctement son cours.
Bien que certaines instances remettent en question les résultats du
Processus de Barcelone, personne ne met en doute la validité des objectifs
et des méthodes du partenariat euroméditerranéen. Le cadre créé à
Barcelone est devenu une référence irremplaçable. Aucun des gouvernements
participants – pas même ceux qui vivent de plus près les tensions au
Proche-Orient – n’a remis en question sa présence dans le processus
euroméditerranéen. Pendant des années, il fut le seul forum régional où
Israël et l’Autorité Nationale Palestinienne, la Syrie et le Liban,
s’asseyaient à la même table.
Je comprends cependant que beaucoup
aimeraient voir des résultats plus rapides et tangibles dans ce processus.
Il est évident que bien des aspects sont améliorables. Pour cette raison,
l’Espagne a proposé de lui donner un nouvel élan, sous la devise d’un «
plus grand et meilleur partenariat ». Le gouvernement, en tant qu’hôte et
co-organisateur de ce sommet, avec la présidence britannique, vient de
présenter à tous ses partenaires un document qui contient une foule
d’idées pour renforcer le partenariat dans les domaines politique,
économique et socioculturel. Dans les mois qui viennent, nous poursuivrons
notre travail en vue de parvenir au plus grand consensus possible.
a/i: L’élargissement de l’UE à 25 a été interprété par
les partenaires euroméditerranéens du Sud comme un possible facteur
d’éloignement. Dans quelle mesure la politique de nouveau voisinage
peut-elle corriger cette impression et répondre aux attentes des pays
maghrébins qui réclament un « statut avancé » avec l’Europe ? Est-il
possible de faire avancer le processus à travers une construction
euroméditerranéenne à géométries variables ?
j.l.r.z.: Le Processus de Barcelone se verra enrichi
par ce nouvel instrument qu’est la politique européenne de voisinage.
Grâce à elle, les partenaires pourront profiter du grand marché
euroméditerranéen. Sans pour autant abandonner le processus de coopération
et de dialogue multilatéral aujourd’hui en vigueur, il y aura
certainement, comme cela se fait déjà au sein de l’UE, une certaine
géométrie variable qui correspondra à ce que nous appelons des
coopérations renforcées sur le modèle européen.
L’Alliance des Civilisations
a/i:
L’une des grandes initiatives du gouvernement espagnol a été la
proposition d’une alliance entre la civilisation occidentale et la
civilisation arabe et musulmane. Quelles peuvent être les suites de cette
stratégie dans le domaine méditerranéen? En quoi consistera la labeur du
groupe de haut niveau que l’Espagne a suggéré à l’ONU?
j.l.r.z.: Permettez-moi tout d’abord de préciser que
je défends l’Alliance des Civilisations car j’ai la conviction morale que
les relations humaines doivent être marquées par le dialogue avec autrui,
par le respect des différences et par l’application universelle des droits
de l’homme. Parce que je suis né dans un pays, l’Espagne, créé et enrichi
par différentes cultures, dont l’arabe. Et parce que je me refuse à
accepter que la théorie du professeur Samuel Huntington sur
« le choc
des civilisations » – que je ne partage pas – puisse un jour devenir une
réalité. Je préfère la formulation du regretté Edward Saïd, qui parlait du
« choc des ignorances ».
L’appel espagnol à une Alliance des
Civilisations a été magnifiquement accueillie, aussi bien au sein des
Nations unies que dans la grande majorité de ses Etats membres.
L’initiative, en tant que projet d’avenir, a gagné en importance. Nous ne
saurions parler d’une proposition exclusivement espagnole, mais aussi de
l’ONU, dont la première phase a été confiée au secrétaire général Kofi
Annan. La proposition a été acceptée par le Sommet ibéroaméricain et
accueillie avec enthousiasme par la Ligue Arabe. Nous espérons que le
groupe de haut niveau suggéré par l’Espagne et accepté par Annan pourra se
réunir prochainement. L’objectif du groupe sera d’étudier les facteurs
ayant généré la fracture entre le monde occidental et le monde arabe et
islamique, et de proposer des mesures concrètes dans deux domaines
fondamentaux : la sécurité et les relations internationales, et la culture
et l’éducation.
La connexion avec la Méditerranée est évidente, car il
s’agit d’un domaine qui favorise le rapprochement entre les peuples
riverains. Pourtant, faute d’une action décidée entre tous, cette mer
pourrait devenir une barrière infranchissable. Je crois que la
Méditerranée incarne plus que toute autre zone du monde les risques d’un
conflit des civilisations, ainsi que les énormes potentialités d’une
alliance. Il nous appartient de décider si nous voulons, pour l’avenir,
une mer qui nous rassemble ou une mer qui nous sépare.
a/i: Ces dernières années, les Etats-Unis ont fait
preuve d’un intérêt croissant pour la région méditerranéenne, en
particulier dans des aspects tels que la lutte contre le terrorisme. Cet
intérêt s’est traduit par la récente BMEPI (Broader Middle East
Partnership Initiative). Considérez-vous que cette initiative est
conciliable avec le Processus de Barcelone?
j.l.r.z.: La BMEPI est une initiative des USA, qui
s’applique à un ensemble de pays allant au-delà du simple cadre
méditerranéen. Son domaine d’action s’attache à l’encouragement des
processus de démocratisation, ouverture économique et réformes
institutionnelles. Ce sont des objectifs louables, qui rejoignent
plusieurs des objectifs de la Déclaration de Barcelone et du partenariat
euroméditerranéen. Pour cela, il est impératif de travailler afin de
développer des synergies entre deux initiatives qui sont complémentaires.
Notre action concertée pourra contribuer à diffuser les principes et les
idées ayant inspiré la Déclaration de Barcelone dans le reste du monde
arabe. Nous devons aider nos amis arabes dans leur volonté de progresser
vers la modernité.
Le conflit au Proche-Orient
a/i:
Il semble qu’à l’heure actuelle, et malgré toutes les incertitudes, une
lumière d’espoir s’allume pour la résolution du conflit au Proche-Orient.
Quel pourrait être l’apport de l’Espagne en faveur de la promotion de la
paix et de la résolution définitive du conflit?
j.l.r.z.: Le conflit israélo-palestinien fut une sorte
de tumeur cancéreuse, à métastase, ayant donné lieu à un véritable
bouillon de culture dans lequel se sont développés bien des maux. Je parle
au passé, parce que je crois, en effet, que nous progressons. Après quatre
ans d’Intifada, la tendance s’est inversée. Le processus de paix est
aujourd’hui dominé par un climat d’optimisme, mais aussi de prudence.
Cette situation a subi l’influence de plusieurs événements, comme
l’élection du président Mahmoud Abbas, l’approbation définitive par la
Knesset (Parlement) israélienne du plan de retrait de Gaza, la Conférence
de Londres sur la Palestine et les efforts renouvelés de la communauté
internationale pour contribuer à ce processus d’un point de vue politique
et économique. Les niveaux de violence se sont amenuisés, et le sommet de
Charm el Cheikh, organisé par le président égyptien, Hosni Moubarak, et
qui comptait sur la présence du roi Abdallah de Jordanie, a débouché sur
un certain nombre d’accords entre le président palestinien et le premier
ministre israélien, Ariel Sharon.
Malheureusement, il faut être prudent
: il existe encore des signes de violence, les territoires sont toujours
occupés, et les accords de Charm el Cheikh ne s’appliquent pas avec la
diligence que nous aimerions tous. Il est important de remarquer que la
méfiance, et dans certain cas l’absence d’une volonté politique claire,
continuent d’amoindrir les possibilités d’entente, et ceci malgré les
désirs de paix des deux peuples.
A l’heure actuelle, l’un des facteurs
fondamentaux est l’évacuation israélienne de Gaza. La réussite de ce plan
pourrait donner l’élan politique nécessaire à l’ouverture d’une étape
décisive dans le Processus de Paix. Tout ceci doit s’accompagner de
l’application immédiate de mesures destinées à améliorer les ressources
palestiniennes pour améliorer les conditions de vie de la population.
Parallèlement, il devient urgent de commencer à réfléchir sur la
préparation de ce que l’on appelle le « jour d’après », c’est-à-dire
l’application des phases ultérieures à la Feuille de Route, dont le
principal objectif est de définir les bases des négociations finales pour
une paix juste, globale et durable répondant aux aspirations légitimes des
parties.
Les mesures de confiance devraient être, comme l’établit la
Feuille de Route, le premier pas en avant pour conduire les palestiniens
et les israéliens à se réunir à nouveau autour de la table des
négociations, à la recherche d’un accord définitif sur le statut final et
ses éléments de définition : les frontières, les réfugiés et Jérusalem.
Nous appuyons le leadership du Quartette (ONU, USA, UE et Russie) dans cet
exercice, et maintenons un dialogue permanent avec les deux parties, ainsi
qu’avec les membres les plus importants de la communauté
internationale.
D’autre part, le gouvernement espagnol a
augmenté sa coopération avec les Territoires Palestiniens, qui constituent
une priorité absolue au Proche-Orient, par un accroissement significatif
des programmes dans des aspects essentiels : sécurité (programme
d’équipement de la police palestinienne d’une valeur de 10 millions
d’euros), bon gouvernement (collaboration à l’élaboration de la
Constitution et aux réformes institutionnelles), et économie (nombreux
projets de coopération, et programme de microcrédits de 30 millions
d’euros). Il convient de rappeler que l’engagement espagnol vis-à-vis du
peuple palestinien est à long terme, et qu’en 2004, les projets et actions
mis en œuvre représentaient une valeur de plus de 15 millions d’euros,
soit 38% de plus que la moyenne des années précédentes, entre 2001 et
2003.
Après tant d’années, les palestiniens et les israéliens méritent
une paix juste. Pour cela, le gouvernement espagnol ne va pas lésiner sur
ses efforts afin que ce nouveau climat d’espoir débouche sur les résultats
à long terme que nous désirons tous.
La politique espagnole vis-à-vis du Maghreb
a/i: L’importance que le gouvernement
espagnol octroie au Maghreb est mise en évidence par les visites que vous
avez réalisées au Maroc, en Algérie et en Tunisie en l’espace de quelques
mois. Quels sont les objectifs concrets de cette réactivation de la
politique extérieure espagnole dans la région?
j.l.r.z.: Dans l’élaboration de sa politique
extérieure, le gouvernement espagnol tient compte du caractère stratégique
du Maghreb, une région qui doit relever des défis globaux de tous types,
mais qui représente aussi de grandes opportunités d’entente, de
coopération et de progrès, favorisées par la proximité historique,
culturelle et géographique de l’Espagne, par notre niveau privilégié de
connaissance mutuelle et par l’existence de liens déjà consolidés.
Le
gouvernement a défini une politique globale afin qu’elle soit mise en
oeuvre – aussi bien dans le contexte bilatéral que multilatéral – dans des
forums comme le Dialogue 5+5 ou le Forum Méditerranéen, et surtout dans le
cadre de référence du Processus euroméditerranéen de Barcelone.
Dans le
domaine bilatéral, l’Espagne a consolidé les liens d’amitié et de
coopération avec chacun de ces pays, en intensifiant les contacts à tous
les niveaux afin de promouvoir nos intérêts communs – politiques,
économiques, culturels et en matière de sécurité. Je suis convaincu que le
fait de contribuer à la prospérité et au développement de nos voisins du
Sud se traduira inévitablement par un plus haut niveau de stabilité dans
l’ensemble du bassin méditerranéen, ce qui sera positif pour tout le
monde, et pour nous également.
a/i: Parmi ses priorités, le gouvernement a signalé
l’encouragement du dialogue dans le conflit du Sahara Occidental; en ce
sens, il a proposé une initiative pour parvenir à une solution politique
acceptée par les parties. Quel est l’objectif de l’initiative espagnole et
quelles sont ses possibilités? Comment l’Espagne peut-elle contribuer au
rapprochement entre le Maroc et l’Algérie?
j.l.r.z.: Je crois qu’aussi bien le Maroc que
l’Algérie comprennent que l’intensification de leurs contacts est bonne
pour les deux. Pour ce qui nous concerne, il s’agit de deux pays amis et
stratégiques, c’est pourquoi nous serons un partenaire fiable et proche.
Nous avons organisé le rapprochement entre l’Algérie et le Maroc pour
relancer le nécessaire processus d’intégration maghrébin. Parmi les signes
encourageants sur l’amélioration des relations entre ces deux pays,
mentionnons la visite du roi du Maroc, Mohammed VI, en Algérie, ainsi que
la suppression des visas pour leurs citoyens respectifs, ce qui laisse
espérer une prochaine ouverture des frontières.
En ce qui concerne le
problème du Sahara, l’Espagne adopte une attitude très active, dans la
mesure où ce conflit est un obstacle à l’intégration du Maghreb, et
prolonge la souffrance du peuple sahraoui. L’Espagne ne possède aucune «
formule magique » pour résoudre ce problème, qui dure depuis plus de 30
ans, mais nous sommes conscients que nous pouvons exercer une certaine
influence, compte tenu de nos interlocutions privilégiées avec les
parties, le Maroc et le Front Polisario, mais aussi avec les autres pays
concernés – surtout l’Algérie. Par conséquent, nous nous sommes engagés à
œuvrer avec dynamisme en faveur d’une solution politique consensuelle,
juste, définitive et respectueuse de la légalité internationale.
Espagne - Maroc
a/i: La visite
d’Etat des rois d’Espagne au Maroc a été interprétée comme la ratification
du bon climat des relations hispano-marocaines. Pensez-vous que la
récupération de la confiance entre les deux pays permettra de progresser
dans les affaires les plus épineuses des relations bilatérales, à savoir
l’accord de pêche entre le Maroc et l’UE – qui concerne directement la
flotte espagnole –, la délimitation des espaces maritimes et les
contentieux territoriaux?
j.l.r.z.: Les relations avec le Maroc sont d’une
grande richesse et complexité. Par le passé, ces relations se sont vues
prises en otage par l’accord de pêche entre l’UE et le Maroc lui-même.
Aujourd’hui, notre politique marocaine possède une approche globale et une
volonté de progrès dans tous les domaines, et cela avec un esprit de
confiance et d’entente mutuels. J’observe avec satisfaction que le Maroc
maintient une attitude similaire, et j’ai la certitude que ce contexte
nous fera progresser dans plusieurs domaines. Il serait très intéressant
de pouvoir parvenir à un nouvel accord de pêche UE-Maroc. Quant aux
espaces maritimes, le groupe de travail fonctionne de façon satisfaisante.
a/i: Les autorités espagnoles et marocaines ont
intensifié leur collaboration en matière d’immigration. D’autre part, le
Maroc a demandé de l’aide à l’Espagne et à l’UE pour le contrôle de la
côte atlantique. Quelle coopération l’Espagne apporte-t-elle dans ce
domaine? Dans quelle mesure est-il nécessaire d’harmoniser les politiques
d’immigration au sein de l’UE? Est-il possible d’envisager une gestion
partagée des flux migratoires du Sud entre l’Europe et le Maghreb?
j.l.r.z.: La coopération est l’instrument le plus
efficace pour faire face aux problèmes que pose le phénomène migratoire,
qui d’autre part présente également des aspects très positifs. Cette
coopération doit être mise en œuvre non seulement avec les autres Etats de
l’UE, mais encore avec les pays d’origine et de transit. Un accord de
réadmission UE-Maroc est en cours de négociation, et des initiatives de
coopération judiciaire et policière sont mises en œuvre pour relever
conjointement ce défi. En ce sens, la coopération avec le Maroc est
satisfaisante et débouche sur des résultats, comme une diminution
appréciable du nombre d’immigrés en provenance de ce pays – et surtout
ceux qui utilisent le terrible système des pateras.
Espagne - Algérie
a/i: En ce qui
concerne l’Algérie, les relations bilatérales se sont vues également
renforcées. Récemment, le coup d’envoi a été donné à la construction du
gazoduc transméditerranéen Medgaz entre Beni Saf et Almería. D’autres
accords sont-ils prévus dans le domaine économique ou énergétique entre
les deux pays?
j.l.r.z.: Il est évident que les relations
hispano-algériennes traversent une excellente période, et que
d’importantes visites de haut niveau se produisent, dans un sens comme
dans l’autre. La dernière s’est déroulée le 24 février 2005 dans le cadre
de la Réunion de Haut Niveau de Madrid. Mis à part l’intensification du
dialogue politique, la coopération s’est vue renforcée dans des matières
telles que la sécurité, la justice, l’immigration irrégulière et le
domaine économique. Sur ce point, le projet du gazoduc Medgaz met en
évidence l’intérêt stratégique de l’Espagne pour le secteur des
hydrocarbures en Algérie. Il existe également une grande volonté de
diversification de la présence de nos entreprises, à partir du processus
de privatisations mis en marche par le président Abdelaziz Bouteflika
ainsi que, en général, le programme de modernisation économique lancé par
l’Algérie.
a/i: Après sa réconciliation avec la communauté
internationale, plusieurs chefs de gouvernement européens ont visité la
Libye. Quels sont les projets de l’actuel gouvernement espagnol vis-à-vis
de la Libye?
j.l.r.z.: J’ai l’intention de me rendre prochainement
en Libye. Le régime libyen a résolu une bonne partie de ses contentieux
extérieurs, et a montré une volonté d’ouverture politique et économique,
que l’Espagne peut et doit utiliser pour garantir la poursuite d’une
relation politique satisfaisante, ainsi que pour resserrer les liens
commerciaux. Le changement de politique par la Libye justifie également le
soutien espagnol à sa réintégration à la scène internationale, et tout
particulièrement, à son inclusion dans le Processus de Barcelone.
a/i: Lors de son discours devant le Parlement
marocain, Juan Carlos Ier a mentionné l’effort des Communautés Autonomes,
des administrations locales et des ONG en matière de développement. Quelle
est la vision du gouvernement sur les relations que doivent maintenir les
Communautés Autonomes avec les pays du Maghreb ? Et sur le rôle de la
société civile?
j.l.r.z.: Les Communautés Autonomes sont devenues des
institutions essentielles dans l’effort collectif espagnol pour élever les
relations hispano-maghrébines jusqu’au niveau d’intensité souhaité par le
gouvernement. De fait, elles jouent déjà un rôle important dans le domaine
de la coopération au développement dans les pays du Maghreb. De l’ordre de
13 % de l’aide des Communautés Autonomes est destinée à cette région, et
principalement au Maroc, à la population sahraoui et à la Mauritanie.
Puisque vous m’interrogez sur la société civile, permettez-moi de vous
rappeler mes propres mots, prononcés devant la Ligue Arabe, fin mars à
Alger. J’ai alors dit ce que j’ai toujours cru : que la liberté est la
meilleure barrière contre l’intolérance et le fanatisme. En particulier,
j’ai mentionné la situation de la femme. Plus les droits de la femme sont
reconnus dans une société, plus cette société sera stable, prospère,
formée et, en définitive, libre.
a/i: Un autre domaine dans lequel la coopération
bilatérale avec le Maroc et l’Algérie s’est intensifié et a porté ses
fruits de façon immédiate, c’est la coopération policière et judiciaire,
et tout particulièrement après les attentats du 11 mars 2004 à Madrid.
Quelle philosophie prône le gouvernement espagnol pour accroître
l’efficacité de la lutte contre le terrorisme international, compte tenu
de l’origine maghrébine d’un grand nombre des détenus incarcérés pour
cause de terrorisme en Espagne, mais aussi de leur situation de résidents
légaux dans notre pays ?
j.l.r.z.: Les attentats du 11-M ont obligé à revoir
nos possibilités de coopération avec les pays d’Afrique du Nord. Dans ce
nouveau contexte, le renforcement de la coopération policière et
judiciaire a pris une importance extraordinaire. Le terrorisme est devenu
un phénomène transnational, et donc une menace commune qui exige des
solutions partagées. Cette approche est parfaitement assumée par les pays
d’Afrique du Nord avec lesquels nous travaillons. Les résultats de notre
coopération sont très positifs. Les échanges d’information se sont
multipliés, et notre action concertée a débouché sur une plus grande
sécurité préventive et une plus grande efficacité de la justice dans la
lutte contre les terroristes.